vendredi 5 février 2016

[Entretien] Max Limol, auteur de "culture sneakers 100 baskets mythiques"

Max Limol est un spécialiste averti de l'usage lifestyle de la chaussure de sport. Il a lancé la chaine dailymotion "Parlez vous sneakers" et le site sneakers-culture.com. Fin 2015 il fait paraitre chez Hugo Images l'excellent Culture Sneakers 100 baskets mythiques. Il répond à quelques questions de d'HoaS.

Il y a quelques années, canal + diffusait le documentaire "Sneakers - Le Culte Des Baskets". Ton livre montre qu'il n'y a pas seulement culte mais culture. Sur quoi repose t-elle? 
J'ai voulu sortir ce livrer pour montrer que la basket n'est pas qu'affaire de consommation outrancière mais qu'il existe une culture de la basket. Ce que j'ai voulu montrer c'est que l'achat de sneakers dépasse le cadre du consumérisme. On peut poser le mot "culture" à côté de celui de "basket"en considérant qu'il y a un mix entre le sport, le basketball, le hip-hop, l'attitude, la danse, la mode. Il ne s'agit pas seulement de s'offrir un produit ou une technologie, il s'agit surtout d'adopter un style de vie, une culture. Et s'il faut caractériser cette culture, je dirais qu'elle repose sur deux piliers essentiels : le hop-hop et le basketball ou même de façon plus générale la contre culture puisque le style sneakers puise dans la culture skate et le rock n'roll. Et c'est d'ailleurs le consommateur qui a construit cette culture puisque les marques, au départ, ne souhaitaient pas être associées au Hip Hop. C'est à l'initiative de Run DMC que le groupe a parlé d'Adidas. Ce n'est que dans les années 1990 que Nike formalise une collaboration avec le Wu Tang Clan. 


Si la sneakers est affaire de lifestyle, il ne faut pas oublier que son identité repose aussi sur de l'innovation technologique pour assurer toujours plus de confort, amorti, maintien. Cela compte-il encore?  
Une marque existe en effet sur sa technologie et le choix des bons sportifs pour la représenter. En 1987 Nike arrive avec la fameuse bulle d'air, pratiquement au même moment Adidas sort la torsion, Reebok la Pump et Puma le système Disc un peu plus tard. Les marques se sont très largement inspirées d'autres industries pour définir leur technologie dans les 1980-1990s et elles existent encore comme si rien n'avaient été invité depuis. Et d'ailleurs, on s'aperçoit alors que le rétro est un levier d'achat assez fort, activé par de nombreuses marques à commencer par Nike alors même que c'est une marque très jeune. On associe encore Nike à Air, Reebok à Pump en misant sur des silhouettes rétro ce qui génère du chiffre d'affaire. Le rétro est d'ailleurs un puissant levier. Des marques ressortent des modèles qui n'avaient pas très bien fonctionné ou qui avait été pas très bien distribués. 

Comment expliques-tu l'autonomisation de la marque Jordan? A bien regarder ça ne sont plus vraiment des Nike? 
La personnalité du joueur est devenu une caractéristique de ses chaussures : une chaussure qui dispose de la meilleure technologie du moment pour permettre l'exploit sportif, une chaussure qui retranscrit son espérait de gagneur. Et le public va même jusqu'à appeler cette chaussure LA jordan en zappant le mot "Nike". Mais il ne faut pas oublié que la collaboration entre Nike et Jordan est d'abord un business. Au début, Jordan n'appréciait pas nécessairement Nike et il 'était d'ailleurs blessé avec une paire d'Air Jordan aux pieds. Rapidement, il a voulu imposé sa propre marque et ses choix esthétiques. Le swoosh a disparu au profit du Jumpman et cela s'est aussi concrétisé dans le business où il existe une dissociation de l'entreprise Nike et de l'entreprise Jordan dès 1996. Ils ont alors décidé de continuer à coopérer pour 20 ans ce qui veut dire que dès l'année prochaine, la marque Jordan n'aura plus rien à voir avec Nike sauf peut-être pour la commercialisation des produits classiques. Mais c'est vrai que c'est parfois source de confusion car les deux marques demeurent associées dans l'esprit des gens.


Jordan V History. par parlezvoussneaker

Stephon Marbury a tenté de lancer la starbury à moins de 15$. Ca a été un échec. A t-on affaire à un produit de luxe qui doit nécessairement être cher?
Non pas nécessairement. J'étais aux Etats-Unis lors du lancement de la Starbury et ça a été une véritable effusion plus encore à New-York puisque la chaussure reprenait un peu les couleurs de la ville. Et New York, c'est la ville du basket, des Knicks, le siège social de la NBA y est. Avec un design plus épuré, cette chaussure a tout de même marché. La Starbury a renoncé à la technologie pour montrer aux majors qu'on pouvait sortir une chaussure abordable. Si cela a marché c'est aussi parce que c'était promu par un joueur bénéficiant alors d'une certaine aura. Au moment du lancement les gens se battaient pour avoir cette chaussure et les vêtements associés. Il y a donc de la place sur le marché pour un produit d'entrée/moyen de gamme si c'est associé à un bon joueur. D'une façon générale ce qui fait augmenter le prix c'est la qualité des matériaux. 

D'ailleurs, dans le bouquins tu proposes un top 100 des chaussures mythiques mais as tu des exemples de ratages? (je pense à la paire de Pat Ewing que les gars portaient au collège en ayant laissé le ballon promotionnel pendouiller). 
Ce n'est pas tant qu'il y a eu des ratages mais plutôt des chaussures qui n'ont pas trouvé leur public. Dans une situation concurrentielle les marques se répondent les unes aux autres et peinent parfois à convaincre. Prenons l'exemple de la Nike Pressure. C'était clairement une réponse à la Pump de Reebook est ça n'a pas si bien marché. La première Jordan qui est devenue culte est aussi en partie un échec et d'ailleurs Jordan ne les aimait pas. 

Que faut-il penser de nouveaux entrants comme Under Armour et les marques chinoises Li Ning et Peak?
Under Armour a identifié une opportunité business. La marque est très présente dans le football américain avec des produits textiles de compression mais pas encore dans le basket. Une marque doit élargir sa gamme de produits. Regardez Adidas est la seule marque qu existe dans tous les sports olympiques. Même Nike a tenté l'aventure dans le golf en s'associant avec Tiger Woods. Alors Under Armour fait de même avec la NBA et Steph Curry qui devient maintenant le meilleur joueur de la NBA, tout comme l'avait fait Nike des années auparavant avec Jordan. Voilà, Under Armour c'est le Nike des années 1980s : une nouvelle marque avec de l'attrait mais à qui il manque un fer de lance pour exploser. Maintenant ils l'ont et vont entretenir le storytelling. Pour les marques chinoises, les choses sont un peu différentes. Comme par ailleurs elles tentent de défier les grandes entreprises globales et proposant leurs produits. Il s'agit d'exister sur un marché qu'on évalue au bas mot à 60 milliards d'euros.  mais elles ont bien du mal à convaincre à l'échelle internationale. Pour apparaitre crédible les marques chinoises signent des athlètes comme Tony Parker avec Peak.  


Dans ton livre tu parles des collaborations qui suivent le principe marketing du co-branding. Une autre tendance est celle de la mass customization. Les plateformes de personnalisation renforcent-elles la culture speakers? 
Mais dès l'Egypte ancienne, Les pharaons avaient des sandales personnalisées au contraire du peuple qui portait des sandales standards. Au début des années 1980 Adidas lance adicolor. Cette paire blanche est vendue avec de quoi la personnaliser. Il y a eu un revival de cette tendance à partir de 2003. 

Finalement, cet usage culturel à la marge n'est-il pas devenu totalement mainstream?
Mais les industriels ont tout intérêt à ce que la basket devienne Mainstream dans une logique de mass market. C'est un accessoire de mode qui complète une panoplie. C'est un objet tendance. D'abord connotée "pauvre ghetto", la sneakers est devenue une tenue décontractée. la All Star de Converse a ainsi été vendues à plus de 100 millions d'exemplaires en passant d'une utilité "sport performance" à un usage lifestyle. C'est un modèle collector qui peut donc intéresser un grand nombre de personnes.


Une photo publiée par Boris (@bhelleu) le


Dans le bouquin, tu demandes à des collectionneurs leur top 5. Du coup, c'est quoi le tien?
D'abord l'Adidas Samba : c'est la première paire que j'ai pu avoir. Elles étaient d'ailleurs trop grandes pour moi. Alors elles n'étaient pas mes préférées mais ce sont les premières. 
La Jordan I ensuite qui marque un peu le point de d"part d'un engouement pour la sneakers moderne.
Il y a aussi la Avia 830 de Clyde Drexler qui était un joueur phénoménal avec une classe aérienne et une classe en tant qu'homme. 
Il y a la Jordan V. J'étais aux Etats-Unis au moment de sa sortie en février 1990. Les gens se battaient pour avoir la paire. Il y a eu des meurtres pour dépouiller des gens de ce modèle là ! J'ai pas porté cette paire pendant une semaine à cause du "shoes crime". A l'époque Sports Illustrated a mis en couverture la paire de Jordan V à côté d'une flingue en titrant "Your sneakers or your life". Ca reste une paire un peu mythique. 
Et il y a enfin la Puma Suede rentrée dans l'histoire à l'occasion des jeux de Mexico 1968. On se souvient des poings levés de Tommie Smith et John Carlos, mais se souvient-on qu'ils se sont déchaussés pour poser leurs chaussures sur le podium? 


1 commentaire:

  1. On peut poser le mot "culture" à côté de celui de "basket"en considérant qu'il ya un mix entre le sport, le basketball, le hip-hop, l'attitude, la danse, la mode . Il ne s'agit pas seulement de s'offrir un produit ou une technologie, il s'agit surtout d'adopter un style de vie, une culture.
    Je suis d'accord avec ce point de vue l'auteur!

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