jeudi 8 octobre 2015

Le prix à payer

Quels sont les facteurs qui déterminent votre consentement à mettre le prix pour vous acheter une place au stade? Deux universitaires allemands répondent à cette question. 

En mars 2014 la Ligue de Football Professionnel dévoilait les résultats d'une étude menée sur les publics des stades de L1 et L2. L'objectif était de mieux connaitre les attitudes, comportements et motivations des spectateurs. Pourquoi viennent-ils (ou non) au stade? Quelle variable de l'expérience matchday convient-il d'améliorer encore? La première des raisons de la non-venue (pour la L1) est le prix des billets même si un spectateur est pourtant prêt à dépenser en moyenne 26 euros. Un an auparavant, une enquête similaire menée pour le compte de l'UCPF mettait aussi en avant l'importance du prix dans l'acte d'achat. 62% de spectateurs justifient leur non venue sur la base du prix. Qu'est ce qui les motiverait à venir plus? Un prix plus attractif (56%) ou mieux encore des invitations (31%).
L'actualité récente est marquée par diverses études consacrées au prix du spectacle sportif. Ainsi le comparateur de prix GoEuro.fr en collaboration avec le site Onefootball a t-il calculé le prix moyen d'un billet dans 25 pays. Le classement est dominé par l'Angleterre (74,04€ pour un match de Premier League), suivie de l'Espagne (70€) et de l'Italie (69€). L'Allemagne, pays aux affluences les plus importantes en Europe est à la dixième place (31,70€). Selon cette étude, il faut débourser en moyenne 37€ pour assister à un match de L1.
Plus tôt en septembre, le site sport365 a publié un relevé du prix des abonnements dans les 20 clubs de L1. Angers propose l'abonnement le moins cher (120€) lorsqu'il faut dépenser 3,75 fois plus pour assister aux matchs du PSG (450€). En supporter fidèle du Stade Malherbe Caen, j'ai dépensé 140 euros pour voir l'ensemble des 19 rencontres de L1 en Populaire B (la tribune la plus animée du stade). Chaque match me revient à 7,36 lorsque le spectateur qui opte pour une stratégie sélective des affiches devra consentir à payer plus encore pour les matchs les plus attractifs.

source : foot365 et GoEuro.fr

Remplir un stade… et le porte-monnaie

Dans le domaine du spectacle sportif, on sait que l'affluence est directement liée au prix du billet. C'est une courbe de la demande classique : lorsque le prix baisse, la quantité demandée augmente (sauf peut-être à Monaco...).  Mais il s'agit aussi d'une demande inélastique (une augmentation du tarif vous fera perdre éventuellement quelques clients mais votre recette augmentera tout de même). Le responsable billetterie effectue donc sans cesse un arbitrage entre remplir son stade (des prix faibles) et gagner de l'argent (des prix élevés). Il ne peut fixer durablement des prix faibles au risque de dévaluer son produit et ne peut pas non plus miser sur des prix élevés au risque de perdre ses fans. La tarification relève de ces tensions.
Mais, une fois le prix fixé, quels facteurs déterminent le consentement d'un fan à payer un billet? Christoph Kemper et Christoph Breuer, des universitaires allemands du département d'économie et management du sport de l'Université de Cologne tentent de répondre à cette question. Leur article intitulé "What Factors Determine the Fans’ Willingness to Pay for Bundesliga Tickets? An Analysis of Ticket Sales in the Secondary Market Using Data from ebay.de"est publié dans le dernier numéro de la réputée revue académique Sport Marketing Quarterly.
Les auteurs font remarquer que la commercialisation des billets de spectacle sportif a largement évolué ces 15 dernières années. Vous souvenez-vous du temps, maintenant révolu, où chaque match à domicile était commercialisé au même prix à l'exception peut-être d'un ou deux matchs de gala? Depuis, le Variable Ticket Pricing (VTP, faire varier le prix des billets en fonction de la qualité de l'opposant ou encore du jour de le semaine) et le Dynamic Ticket Pricing (DTP, faire varier le prix du billet d'un match en fonction du taux de remplissage ou bien encore de l'absence/présence d'un joueur vedette) sont des stratégies de tarification appliquées dans de nombreux clubs. Dès lors, si ce qui motive le fan à aller au stade est assez simple à comprendre (encourager son équipe, le jeu et l'enjeu, la présence de vedettes, les conditions climatiques ou encore le confort et la sécurité du stade), l'acte d'achat est un phénomène qui devient complexe. Pour comprendre ces mécanismes, les eux auteurs ont mené une étude sur le marché secondaire des billets bundesliga revendus sur Ebay. Ils cherchent à mesurer l'importance de variables telles que le prix, l'enjeu, l'incertitude du résultat, la rivalité, le confort de la place, le succès en cours des deux équipes, le classement des équipes, les confiions climatiques, la capacité du stade…

Capture d'écran sur Ebay.de : Pour la match du bayern contre Stuttgart, 30 enchères ont fait passer le prix de la place 60 à 214 euros. 

Le prix varie du simple au double à la revente

Les deux universitaires ont scrupuleusement analysé la seconde partie du championnat 2013-2014 en recherchant jour après jour les places revendues sur Ebay. Ainsi ont-ils pu identifier 6 510 offres pour 11 637 billets vendus. Les billets ont été revendus de 0,75€ à 633,5€. En moyenne, un fan rachète une place sur Ebay 69,4€ lorsqu'elle était commercialisée deux fois moins par la club (en moyenne 34,73€). L'analyse statistique montre l'importance du succès d'un club. Accueillir une équipe victorieuse ou bien placée la saison précédente fait augmenter les prix. La journée de championnat joue aussi un rôle important. Plus on se rapproche du terme de la compétition, plus le prix augmente (de 2,4€ par match). Autre élément, plus le fan considérera l'issue du match comme incertaine, plus il sera prêt à payer son billet plus cher. Les auteurs montrent aussi qu'un acheteur est prêt à dépenser 17,26€ de plus pour une place debout que pour une place assise (ce qui s'explique aussi par le faible prix initial de la place debout).
Au total, les deux universitaires ont identifié 23 critères influençant significativement le prix des places. Alors oui, il n'y a pas à être surpris que le prix augmente sur un site d'enchères. Mais ce que montre cette étude c'est que les responsable billetterie des clubs peuvent efficacement mettre en place des stratégies de Yield Management.
Le vendredi 23 octobre, le match SMC/FCNA est exceptionnellement programmé à l'horaire peu pratique de 18h30. Je suis curieux de savoir quelle stratégie billetterie va adopter le club normand et si les spectateurs consentiront à acheter des places.

Chronique initialement publiée le mercredi 7 octobre 2015 sur Francefootball.fr




Résumé de l'article cité : "In 2009, the San Francisco Giants of the United States' Major League Baseball was the first sports club to implement a dynamic pricing system, and since that time many sport organizations have followed suit. To date, however, no German sports club has applied dynamic pricing. This paper lays the ground for such a development by identifying determinants of fans' willingness to pay for Bundesliga tickets. The current study evaluates ticket sales in the German secondary market. Ticket prices of eBay auctions were collected daily during the second half of the Bundesliga season 2013-14. A data set of 6,510 auctions was analyzed by means of a two stage least squares regression. Results suggest that tickets in the secondary market are resold for nearly twice as much as the original face value of the ticket. The final model includes 23 significant variables and explains 59.6% of the variance. The overall results are comparable to previous studies, although there are a number of unique aspects to the current paper. Sport managers can apply these finding to further differentiate their current variable ticket pricing strategy or to implement a more sophisticated dynamic pricing approach."

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